Les lettres du concours! voici la lettre #9
Lettre #9
Citation: « Une pluie fine glaçait mon corps. Elle voulait éteindre les flammes de mon amour et de mon désir, quelle prétention !«
Chaque mercredi vous pourrez lire les lettres gagnantes du concours, par ordre décroissant.
Durant tout l’été donc, à raison d’une lettre par semaine, en finissant par le numéro 1,
Vous pourrez lire ces délicieuses lettres qui nous ont été envoyées par les
écrivain-e-s qui se sont confronté-e-s à l’exercice,
dans le cadre du concours de la lettre d’amour pour la sortie du roman La lettre froissée.
Je vous rappelle qu’il s’agissait d’écrire la lettre d’un amour qui semble impossible,
ou d’un amour qui jamais ne pourrait se révéler,
une lettre que vous n’oseriez jamais envoyer…
En les lisant, vous allez être comme nous, j’en suis sûre, sous le charme.
Voilà donc la lettre de Guy Panisse,
adressée en 1863 à une dame, un songe, un illusoire bonheur, de la part d’un invisible…
» Bellespeyre, 3 avril 1863
Vous, mon songe, mon illusoire bonheur,
Hier, j’ai senti votre présence. Sur l’instant, cette présence m’a paru fugace, juste un souffle frais et parfumé.
Puis, votre ombre est venue se coucher près de la haie de thuyas. Vous me regardiez, je le sentais.
Ma main en tremblait, mais je m’appliquais.
J’ai entendu des compliments sur mon travail.
Votre voix est entrée dans mon cœur, en pianotant une mélodie inconnue.
Je ne vous ai pas regardée quand j’ai deviné votre sourire.
Vous deviez même rire devant ma maladresse au milieu des herbes sauvages.
Le chiendent avait tissé un réseau d’entraves dans lequel mes pieds s’étaient pris.
Le frôlement de votre jupe dans le chemin encombré de folles avoines invitait à des caresses rêvées.
Vos chevilles ont croisé mes yeux baissés, baissés par respect pour vous, madame.
« Tu n’es que de basse extraction, m’avait dit le métayer. »
Aussi sombre que la terre collée à mes pieds, ma peau ne me donne pas le droit de vous aimer, madame.
En contraste magnifique avec la mienne, votre peau claire me raconte un toucher sans égal, une douceur d’animal gracile, l’ivresse du plaisir.
Chaque nuit, je construis un monde pour vous et moi, pour nous.
Dans ce monde, seuls au milieu d’un jardin arc-en-ciel, nous ignorons le temps, nous nous aimons, nous imaginons une vie libre de toutes convenances.
Un jour, je vous raconterai ce monde.
Je vous dirai la ressemblance de son paysage avec celui décrit dans le livre offert par vous, l’année dernière.
Ce cadeau, je le chéris au-delà de tout.
Ce cadeau, c’est vous, c’est votre parfum, c’est votre message.
Je ne compte plus le temps passé à m’abreuver aux pages de cet ouvrage.
Tous les matins, j’effleure le drap dans l’espoir de vous trouver endormie près de moi.
J’espère la chaleur de votre corps encore abandonné au sommeil.
Il n’existe pas de folie plus délicieuse que celle de vous avoir entre mes bras.
Je goûte cette folie au sortir de mes nuits, en sachant votre cœur interdit à l’être que je suis.
Il m’arrive de pleurer en pensant à vous, à vous inaccessible.
La douleur de mon amour pour vous est parfois insupportable.
Dans ces moments, je sens dans mon ventre un liquide froid, un poison qui me ronge.
Pourquoi suis-je si près de vous ?
Pourquoi m’impose-t-on cette souffrance de vous aimer sans vous aimer vraiment, sans pouvoir célébrer avec vous les délices de l’étreinte charnelle ?
Aujourd’hui, le temps était chagrin : je ne vous ai pas vue.
Courbé au-dessus du parterre de pensées que vous aimez tant, j’avais le dos meurtri autant que le cœur.
Une pluie fine glaçait mon corps. Elle voulait éteindre les flammes de mon amour et de mon désir, quelle prétention !
Rien ne viendra à bout de ce feu, tant qu’une source de vie murmurera au rythme de mon cœur.
Les flammes, le feu…
Je vais abandonner ce feuillet aux braises rutilantes du poêle à bois, puisqu’il ne m’est pas permis aussi de vous écrire.
Au gré du vent jouant avec la fumée, mes phrases envolées viendront peut-être vous susurrer tout cet amour défendu, madame.
Votre serviteur aimant,
Hyacinthe «
Félicitations à Guy !
***
En 1884, à Cannes.
Un hivernant pas comme les autres: le célèbre écrivain Guy de Maupassant,
une jeune courtisane née au Suquet, Lola Deslys
et une aristocrate anglaise déclassée, Miss Fletcher of Ramsey,
s’allient pour rendre justice à une jeune femme de chambre
assassinée dans le parc d’un palace de la Croisette.
Parviendront-il à faire éclater la vérité dans une ville
où la protection des puissants est la seule priorité?
En papier dans votre librairie, ou en numérique, ici.