Par contre, ou en revanche ?

Comme j’en avais assez de me faire reprendre par mes correcteurs sur l’emploi de la locution « Par contre »,
que parfois je trouvais mieux appropriée que « En revanche » qu’on voulait pourtant m’imposer,
et ayant le sentiment, là encore qu’il y avait comme un relent de snobisme, j’ai voulu en savoir plus,
et heureusement je suis tombée au hasard de mes recherches sur ce bon monsieur Grévisse!

Les questions posées sont les suivantes: fait-on une faute de grammaire quand on écrit « Par contre » ?
Cette locution est-elle récente, et donc « barbare »?
D’où vient cette polémique?
Qu’en disent l’Académie française? Littré? Larousse? et Grévisse!?
Ah! mon sauveur!

C’est au XVIe siècle qu’on trouve « Par contre  » pour la première fois, dans les textes de
Jean Calvin, pasteur et théologien.
Dans le même temps, les anglais et les italiens utilisent per contra et per contro. Tout ceci nous vient directement du latin…
Bon, bien, et alors?
Pourquoi une polémique?
Eh bien c’est la faute à Voltaire!
Toujours lui !
Il constate que « par contre  » est souvent utilisé dans le langage commercial et il décide qu’il doit y rester,
et que les écrivains, les vrais, eux, utiliseront une autre expression.
Serait pas un peu snob, le bon Voltaire? Il n’en finit pas d’écorcher sa propre image, celui-là!

Littré, un siècle plus tard, le soutient.

(j’ai une faiblesse pour Littré car sa veuve avait la maison voisine à celle de Maupassant -Le chalet de l’Isère à Cannes)
Bref, rien à voir…
Je continue…
Donc Littré estime que la locution « Par contre » « peut se justifier grammaticalement », mais qu’elle n’a pas le sens qu’on lui prête. 
Pour lui, « par contre » voudrait dire « contrairement » alors qu’on l’utilise pour dire « en compensation ».

Il en déduit qu’il faut donc laisser les « par contre » à l’usage commercial.
En fait, il est en phase totale (limite lèche-bottes) avec l’Académie française.
Celle-ci a décidé que garder « par contre » pour l’usage commercial.

Pourtant, la plupart des académiciens qui condamnent son usage l’utilisent pas mal dans leurs écrits!
Abel Hermant, académicien, qualifie l’usage de « Par contre » de « façon de parler boutiquière ».
Quand je vous disais qu’on n’était pas loin d’un racisme social!

D’ailleurs au passage ce monsieur a été sous l’occupation un chantre de la collaboration!
Carrément exclu de l’académie française après la seconde guerre mondiale.
D’accord il était déjà vieux au moment des faits, mais est-ce une excuse?

Voilà que
Gide apparaît.
Gide, je l’aime bien.
J’ai dévoré Nathanaël (Les nourritures terrestres) sur les bancs du lycée, au lieu de faire mes devoirs…
Il m’en reste beaucoup d’émotion.

Donc Gide se met à dire que ce qu’on nous propose à la place de « par contre »,
c’est à dire « en revanche » ou « en compensation », n’est pas toujours approprié.
Tout de même, Gide est prix Nobel, hein? ça en jette! Et on ne la lui fait pas, à lui!
L’un de ses arguments est le suivant, trouverions-nous décent d’entendre dire:
« La moisson n’a pas été mauvaise, mais en compensation toutes les pommes de terre ont pourri » ?
Hum… pas faux…

Finalement Grévisse, le pape, a tranché.
  Merci Grévisse!
Il est très laxiste sur la question d’utiliser « par contre » !
« Il est entré dans l’usage général, dit-il, même le plus exigeant, au cours du XIXe siècle, malgré la résistance des puristes »
On dirait que Grévisse n’aimait pas trop les puristes, non? Qu’en pensez-vous?

Est-ce que par hasard il ne laisserait pas sous-entendre que « qui dit puriste dit un peu fermeture d’esprit? »
Je ne sais pas, mais j’ai comme l’impression que…
Grevisse aussi va justifier sa position. C’est très simple, il s’appuie sur les plus grands écrivains français du XIXe et du XXe:

(plus d’une centaine !) avec entre autres donc:
Stendhal,


Maupassant, mon Bel-ami…


 France,


Régnier, Gide,


 Proust,


Giraudoux,


 Duhamel,


Morand,


Saint-Exupéry,


Montherlant,


Malraux,

et même  de Gaulle, Pompidou…
Bon ok, de Gaulle, Pompidou, pas forcément parmi les plus grands écrivains français, mais tout de même, ils en imposent dans la liste…

Pour conclure, vous pouvez utiliser la locution « Par contre » sans faire une faute, elle est admise.
Par contre, (ha ha ha ) vous trouverez toujours quelqu’un pour vous dire que ça ne se fait pas.
Soit vous polémiquez pendant des heures pour expliquer toute l’histoire, soit vous cédez,
vous gagnez du temps, et vous utilisez « en revanche », -surtout dans les écrits, enfin ça dépend dans la bouche de quel personnage, hein?-
ce qui simplifiera la chose.

On a tous compris que l’enjeu est social et non grammatical !

Et Rosie Maldonne, elle dirait quoi?
Ni l’un ni l’autre, parce qu’elle n’argumente jamais… Elle fonce dans le tas ! 😉

5 réflexions au sujet de « Par contre, ou en revanche ? »

  1. En revanche ? Diantre, pas facile à dire ni à écrire. Lourdingue au possible. Par contre, c’est clair et ça sonne ! Allons au plus simple. Bravo pour cet article 🙂

  2. Génial, merci Alice ! Oui j’avais déjà entendu cette histoire de « en revanche » à la place de par contre, donc merci pour ta réponse. Si on me le fait remarquer, je ne changerai pas, par contre (lol), mais je dirai que c’était utilisé par nombre d’écrivains renommés et que ça a été admis par Grévisse, tout simplement.

  3. Un vieux débat pour lequel je n’avais jamais pris le temps de rechercher le pourquoi du comment. Merci.

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