Des lieux et des fantasmes de lieux sublimés et transformés pour les besoins de la causepar Alice Quinn

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Une question qu’on me pose souvent : comment décidez-vous des lieux où se situent vos romans?
Le décor de certaines scènes? Comment cela se tricote-t-il dans votre tête?

Pour Rosie Maldonne, bien entendu, la Côte d’Azur s’est imposée d’office.
C’est un lieu que j’ai découvert et adoré pour sa lumière quand mes parents,
venus de Lorraine, s’y sont installés quand j’avais 13 ans.
C’était la première fois que je voyais la Méditerranée.
Mon sang d’origine italienne a bouillonné de bonheur.
J’y suis restée, avec des infidélités, mais j’y reviens toujours.
Pourtant ce n’est pas parce que j’aime la beauté et la lumière de la région,
que j’y ai campé le décor de Rosie Maldonne.
Ce qui m’a intéressée, c’est le contraste entre les humains que l’on y côtoie.
Parfois surréaliste.
On imagine toujours la Côte d’Azur comme un dreamland
peuplé de gens riches à millions roulant en Ferrari et chaussés de Dior.
C’est aussi ça.
Mais pas seulement.
Comme disait ma grand-mère, là où il y a des riches, il y a des pauvres pour les servir.
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Et ces pauvres, on a beau essayer de les cacher, ils n’en sont pas moins là.
Ils vivent dans les quartiers populaires, des hlm, des masures plus ou moins bien retapées,
des mobil-homes dans l’arrière pays,
des appartements insalubres dans les vieilles villes (Le Suquet, la vieille ville de Grasse).
certains survivent grâce aux restos du coeur,
où vont même parfois demander de l’aide des vieilles dames bijoutées
qui essaient de maintenir une apparence digne.
Eh oui, ça existe aussi sur la Côte d’Azur.
Il existe aussi une classe moyenne. Employés, fonctionnaires, vendeurs en tous genres…
Ce qui est amusant par rapport à d’autres endroits, c’est le côtoiement au quotidien de ces milieux.
Si vous vous promenez sur la Croisette,
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vous pouvez y rencontrer aussi bien
une Bimbo russe épouse de mafieux,
un Saoudien et ses 29 fils (ses femmes on les verra moins, elles restent parquées dans le palace),
une star du showbize,
quelques roms venus pickpoketer ce beau monde,
des migrants de passage ébaubis,
des prostituées hautes en couleur,
des vieux cannois jouant à la fanfare municipale,
des cap-verdiennes nettoyant le Palais des festivals,
des voitures de luxe en pagaille,
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des employés peinant à joindre les 2 bouts mais jouant leur salaire aux machines à sous,
des retraités BCBG,
et quelques clandestins fumant discrètement pendant la pause
à l’arrière du restaurant où ils font la plonge.
Là je vous parle de la Croisette.
Dans les quartiers populaires, il n’y a qu’une sorte de population.

Et parfois un touriste égaré.
Il m’est arrivé dans ma rue (sise derrière la gare de Cannes pour ceux qui connaissent)
d’être interpellée par des anglais qui voulaient visiter : « … the arabic and african area please? »
vendu comme exotique dans leur guide touristique.
J’avoue que ce jour-là, j’ai été scotchée!
Pendant le festival de Cannes, comme tout se loue dans tous les quartiers,
puisque les hôtels ne peuvent contenir tout les pros du cinéma venus du monde entier,
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il n’est pas rare de voir des femmes en tenues de soirée au bras d’hommes en smoking
rentrant d’une fête à 2 heures du matin et traversant mon quartier!
Capture d’écran 2015-10-12 à 15.04.44   C’est tout dire!
C’est donc une ville de passage entre des mondes…
De la Fantasy pure en quelque sorte.
Pour la série de Rosie Maldonne,
j’ai décidé de mixer Grasse et Cannes pour en faire la ville de Rosie,

village de grasse    Capture d’écran 2015-10-12 à 12.28.21

réinventant une Côte d’Azur à mon gré.
Dans les quartiers que Rosie fréquente,
il y a plutôt des maghrébins, des africains, quelques français du tout venant.
Pas de milliardaires en vue.
Pourtant dans Rosie se fait la belle,

Rosie se fait la belle: Au pays de Rosie Maldonne 2

elle trouve un job
-qui s’avérera très provisoire, et pour cause, mais je ne vais quand-même pas vous spoiler ce passage -,
chez un vrai héritier d’une grande famille richissime,
marchand de tableaux entre autres…
L’hôtel particulier où je situe sa maison de famille est inspiré
de l’immeuble dans le Vieux Grasse de la famille de Fontmichel,
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pour l’extérieur.
Pour l’intérieur, j’ai plongé dans mes souvenirs d’adolescence,
puisque mes parents ont été entre autres,  gardiens de villas, de bastides ou autres châteaux…
Pour des lieux plus prégnants,
comme le Select,  Capture d’écran 2015-10-12 à 16.48.00

IMG_3934 la gare désaffectée où crèche la caravane de Rosie,

la parfumerie abandonnée qui devient le château endormi de Gaston,
Capture d’écran 2015-10-12 à 12.16.23 IMG_5819

le « Palace »,
Capture d’écran 2015-10-12 à 12.23.31 Capture d’écran 2015-10-12 à 12.23.54 DSC_8397.JPG - Version 2
les ruelles sinueuses des vieilles villes,
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je n’ai pas eu à rechercher vraiment.
Il s’agit d’une superposition de lieux existants ou ayant existé,
et ne vivant plus que dans ma mémoire.
Pour finir d’illustrer cet article, quelques images plutôt évocatrices de lieux sinistrés à côté du grand luxe.
C’est aussi ça, la Côte d’Azur, celle que vous ne verrez pas forcément l’été, en vacances…
Et pourtant…

IMG_4615 IMG_4617 IMG_4618    
Je l’aime tout autant. La lumière y est la même.
Ses cicatrices la rendent plus riche que son apparence factice.
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rosie maldonne 1      rosie maldonne 2

13 réflexions au sujet de « Des lieux et des fantasmes de lieux sublimés et transformés pour les besoins de la causepar Alice Quinn »

  1. C’est ta caravane Alice ? Ou tu es juste repassée pour rebrancher l’édéefe ?
    Merci d’avoir partagé ces lieux. J’ai replongé dans mes souvenirs de Grasse en le lisant. Il y avait de belles maisons, plutôt en périphérie, notamment une avec un superbe jardin (ou plutôt « des » superbes jardins) dessinés par Russel Page (et pas St Jacques du Couloubrier). C’est marrant car la maison de Gaston je la voyais plutôt à l’Eden Roc, en train de boire une flûte de champagne (après avoir raté la projection de « un prophète »).
    On veut plus de billets comme ça…

  2. Héhé Alice, c’est drôle mais dans mes romans, j’aime bien aussi faire côtoyer les riches et les pauvres sur la côte d’azur. Les exemples, je les trouve à Marseille, ville cosmopolite où tout le monde se côtoie. Mon métier de médecin aux urgences m’a permis de voir, de sentir, d’entendre… bises

  3. Hehe Alice, moi aussi j’aime bien faire côtoyer dans mes romans les riches et les pauvres de la côte d’Azur. Marseille est une ville cosmopolite. Tout le monde vit ensemble. C’est mon métier de Médecin aux urgences qui m’a permis de voir, entendre et sentir. Bises

  4. Merci pour ton article, Il est amusant et très intéressant de [sa]voir d’où nous viennent nos maisons, personnages, etc …
    En ce qui me concerne, ce sont autant mes souvenirs d’enfance ( lieux par lesquels je repasse régulièrement), tant du côté des parents maternels que paternels, qui m’ont inspiré autant que les routes que j’ai prises en balade à moto et qui m’ont laissé un souvenir impérissable. Quant aux personnages, ce sont des rencontres ou des personnes avec qui j’ai eu l’occasion de travailler (ce qui revient au même).
    Pour le prochain roman, ce sont aussi des lieux et personnes qui m’ont impressionné d’une manière ou d’une autre qui viendont étoffer l’histoire.
    Merci, Alice, pour ce partage.

  5. Merci Cyril, tu es indulgent avec moi.
    Un article de ce genre me remplit de bonheur mais j’y consacre du temps
    et comme tu le sais, Rosie 3 n’attend pas!!!
    Pour moi c’est plonger dans des souvenirs,
    rechercher des photos pour aider à comprendre ce que je veux dire,
    me questionner encore sur le sens que je veux donner à Rosie!

  6. Bel article Alice,
    Pour ma part, c’est vrai que l’ambiance géographique de la caserne, je l’ai puisé dans les souvenirs de ma conscription. Sinon, l’hôtel miteux, la cellule et le petit village sont du travail d’imagination.
    Dans ma dernière partie où l’on visite le 17ème arrondissement de Paris, de nouveau des souvenirs de mon passage éphémère dans la capitale.
    Comme quoi, on se nourrit de nos souvenirs même sans le chercher particulièrement.
    Pour le côté, psychologique, pauvre, riche, tordu, fou furieux ou fou tout court, j’ai de la matière avec mon boulot !
    Bises Wendall

  7. J’en redemande, ma chère Alice, même si j’imagine bien quel boulot ça a dû être pour toi de mettre tout ceci en forme !
    C’est mon article préféré, je crois, depuis que je te lis.
    On a tendance à oublier, c’est vrai, que partout il y a de la pauvreté, même (et surtout ?) dans les lieux à paillettes comme la Côte d’Azur, hélas.
    Quel portraits passionnants tu nous dépeins, là, que d’inspiration pour nous, auteurs 😉

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